Les dangers du recrutement illégal
Le candidat que vous passez en entrevue est tout simplement parfait. Pas question de le perdre! Sauf qu’il se montre hésitant à accepter un poste dans votre entreprise. Il s’inquiète quelque peu des conditions de travail, ou encore précise qu’il est dans la mire d’un concurrent lequel, vous le savez très bien, lui fera une meilleure offre.
Lui dites-vous la vérité au risque de le décevoir et de le voir partir ? Vous paniquez un peu et lui dites quelques mensonges pieux. Par exemple, vous affirmez pouvoir satisfaire ses attentes salariales. Et aussi qu’au moment même où se déroule l’entrevue, on procède à une amélioration des conditions de travail.
Attention, vous venez sans doute de dépasser les bornes. Faire des promesses qui s’avèrent fausses ou exagérer des avantages peuvent constituer de la fausse déclaration. Évitez les risques de poursuite pour recrutement illégal en faisant attention à ce que vous (ou vos recruteurs) dites à vos prospects.
Le recrutement illégal est une forme de fausse déclaration
Le recrutement illégal est l’expression juridique consacrée en droit du travail canadien. Tout comme des chercheurs d’emploi peuvent faire une fausse déclaration sur eux-mêmes pour se rendre plus attrayants, les employeurs peuvent aussi commettre l’erreur de promettre exagérément et d’offrir moins que prévu.
Les mensonges pieux d’un employeur ne sont pas passibles de poursuite. Toutefois, s’il peut être établi que le postulant n’aurait jamais accepté le poste s’il avait dit la vérité, il pourrait entamer des poursuites contre vous et gagner sa cause.
Il faut prouver qu’il y a eu « acte de confiance préjudiciable » pour pouvoir gagner une poursuite pour déclaration inexacte. Le test sur la confiance est objectif : il s’agit d’établir si une personne raisonnable se mettant à la place du plaignant aurait mordu à la fausse déclaration.
Les dommages-intérêts peuvent être élevés
Selon l’avocat en droit du travail Howard Levitt, les dommages-intérêts pour recrutement illégal ne se limitent pas à une indemnité de quelques mois. Ils peuvent tenir compte de tout ce que l’employé a dû subir en ayant quitté son poste précédent pour accepter le nouveau.
De plus, contrairement au droit lié au congédiement injustifié, où des dommages-intérêts pour souffrance morale sont techniquement difficiles à obtenir, dans le cas d’un recrutement illégal, ces dommages-intérêts sont accordés dans la mesure où l’employé peut prouver qu’il a subi de la souffrance morale.
Le devoir de diligence de l’employeur
L’employeur et ses représentants ont un « devoir de diligence » juridique. Ils doivent prendre les mesures raisonnables pour s’assurer de l’exactitude des données présentées à un candidat.
Prétendre qu’ils croyaient que ce qu’ils disaient était vrai, lorsque la situation tourne finalement au vinaigre, ne constitue pas une défense appropriée.
Exemple d’une affaire de recrutement illégal où le plaignant a gagné
Dans l’affaire opposant Queen à Cognos Inc., la cour suprême du Canada a statué qu’un interviewer avait le devoir de prendre tous les mesures raisonnables pour éviter de faire des déclarations trompeuses à des employés potentiels.
Chez Cognos, l’employeur a fait de fausses déclarations quant à la nature et à l’aspect sécurité du poste offert. Queen a accepté l’offre d’emploi, mais a été affecté par la suite à des tâches totalement différentes de celles dont on lui avait parlé à l’entrevue. Queen a poursuivi l’entreprise pour déclaration inexacte.
L’employeur a été déclaré coupable d’avoir fait de fausses promesses. Cognos Inc. a été condamné à verser des dommages-intérêts à Queen pour la perte de revenu, la perte subie lors de l’achat et de la vente de sa nouvelle maison, pour le stress émotionnel et pour les coûts et dépenses liés à la recherche d’un nouvel emploi.
Comment éviter le recrutement illégal
Il existe des pratiques que vos recruteurs et vous devez suivre lorsque vous recrutez. La première semble plutôt évidente : faites en sorte que l’entrevue respecte la loi. Ne mentez pas et n’exagérez pas lorsque vous parlez au candidat.
L’autre pratique consiste à remettre au candidat une copie de l’offre qui lui est faite. Cela donne à l’employeur le temps de s’assurer qu’il ne garantit que ce qui peut être réellement offert.
Tout ce qui échappe à cette règle doit être enlevé de l’offre avant qu’elle ne soit présentée au candidat.
Soyez parfaitement honnête
Les candidats ne sont pas tous parfaitement honnêtes avec les interviewers. Ce qui peut vous faire croire que les recruteurs peuvent manipuler les faits eux aussi et s’en tirer.
Sauf qu’ils ne le peuvent pas. La loi est très claire : faire de fausses déclarations risque d’entraîner votre entreprise dans un procès. Il arrivera donc que vous deviez laisser partir un candidat parfait.
Mais voyez le bon côté des choses, il ne vous en coûtera pas des dizaines de millers de dollars en sanctions du tribunal (sans compter la perte de l’employé mécontent) lorsque la réalité frappera de plein fouet.